Quelques instruments d’exploration
Généralités sur les télescopes
Les télescopes constituent les yeux de l’astronome, lui permettant de sonder les profondeurs de l’Univers. Grâce à ces instruments, nous pouvons observer des objets célestes aussi variés que les planètes de notre système solaire, les étoiles lointaines, les galaxies, les quasars et bien d’autres structures cosmiques insolites.
Différents types de télescopes
Principe du télescope à réfraction
Principe du télescope de Newton
Principe du télescope de type Schmidt-Cassegrain
Les télescopes se distinguent principalement par la nature de leur optique :
- Les réfracteurs : Ces télescopes utilisent une lentille convexe (l’objectif) pour collecter la lumière et former une image au point focal, à l’intérieur du télescope. Une autre lentille (l’oculaire) est utilisée pour agrandir cette image et la rendre visible à l’œil de l’observateur. Un exemple familier est le télescope de Galilée, qui a révolutionné notre vision de l’Univers. Mais bien que simple et robuste, ce type de télescope est toutefois peu utilisé dans les observatoires professionnels en raison de ses limitations optiques (aberration chromatique, absorption de la lumière par les lentilles…) et physique (encombrement).
- Les réflecteurs : Ces télescopes utilisent un miroir primaire concave pour collecter la lumière et un miroir secondaire pour diriger la lumière vers l’oculaire. Le télescope de Newton est un modèle classique de télescope réflecteur, très populaire parmi les amateurs en raison de sa conception simple et de son coût relativement abordable. Les télescopes réflecteurs sont également utilisés en astronomie professionnelle, notamment pour les observations à grand champ et les études spectrales.
- Les télescopes catadioptriques : Ces télescopes combinent des miroirs et des lentilles pour corriger les aberrations optiques. Le télescope Schmidt-Cassegrain est un exemple de ce type de télescope, très apprécié par les amateurs et les professionnels pour sa compacité et sa polyvalence (observation planétaire, observation du ciel profond, astrophotographie…).
Deux caractéristiques majeures
Miroir primaire du télescope spatial Herschel – © ESA
Fabrication du miroir principal du télescope terrestre Giant Magellan Telescope (GMT) – © Richard F. Caris Mirror Lab
Distance focale d’un télescope de Newton
La performance d’un télescope repose notamment sur deux carctéristiques essentielles :
- Le diamètre du miroir primaire: Plus le miroir est grand, plus le télescope collecte de lumière et meilleure est sa résolution angulaire. Trois exemples:
– Télescope amateur: Un diamètre de 20 cm est courant pour un télescope amateur de taille moyenne. Il offre déjà de belles observations du ciel profond et permet de distinguer de nombreux détails sur les planètes.
– Grand télescope professionnel: Les télescopes Keck I et Keck II, situés à Hawaï, possèdent chacun un miroir primaire de 10 mètres de diamètre. Ces instruments sont parmi les plus grands et les plus productifs au monde, permettant des observations extrêmement détaillées.
– Télescope géant: Le Extremely Large Telescope (ELT), actuellement en construction au Chili, aura un miroir primaire de 39 mètres de diamètre. Une fois terminé, il sera le plus grand télescope optique du monde.
- La distance focale: La distance focale d’un système optique est la distance qui sépare le centre optique de la lentille (ou du miroir principal) du point focal où convergent tous les rayons lumineux parallèles à l’axe optique. En d’autres termes, c’est la distance à laquelle se forme une image nette d’un objet situé à l’infini (une étoile ou une galaxie peut être considérée comme étant « à l’infini »).
Influence de la distance focale :
– Grossissement: Plus la distance focale est longue, plus le grossissement de l’instrument est important. Un télescope avec une longue focale vous permettra d’observer des détails plus fins sur les objets célestes.
– Champ de vision: À l’inverse, une courte focale offre un champ de vision plus large, permettant d’observer une plus grande portion du ciel, au détriment des détails.
– Luminosité: La distance focale influence également la luminosité de l’image. Un télescope à courte focale avec une grande ouverture (faible « rapport focal ») est plus efficace pour collecter et concentrer la lumière. Cela se traduit par des images plus lumineuses.
Les critères de qualité optique
La qualité optique d’un télescope est un facteur déterminant pour la qualité des observations astronomiques. Elle conditionne la résolution, la sensibilité et la fidélité des images obtenues. Pour l’astrophysicien, une compréhension fine de ces critères est essentielle pour choisir et utiliser au mieux son instrument.
- Pouvoir de résolution angulaire: C’est la capacité d’un télescope à distinguer deux points lumineux très proches l’un de l’autre. Il est exprimé en secondes d’arc et dépend principalement du diamètre du miroir primaire. La formule de Rayleigh en donne une estimation théorique : θ = 1,22 λ/D, où θ est la résolution angulaire, λ la longueur d’onde de la lumière et D le diamètre du miroir. Par exemple, un télescope de 1 mètre de diamètre travaillant dans le visible (λ ≈ 500 nm) aura une résolution théorique d’environ 0,6 seconde d’arc. Pour un télescope professionnel de 8 mètres de diamètre, on peut s’attendre à une résolution de l’ordre de 0,05 seconde d’arc, ce qui permet de résoudre des détails très fins sur les objets célestes.
- Aberrations optiques: Ce sont des défauts de l’image formée par le télescope et qui peuvent dégrader sa qualité. Les principales aberrations sont :
– L’aberration sphérique: Les rayons lumineux ne convergent pas tous au même point focal.
– La coma: Les étoiles situées en dehors de l’axe optique apparaissent comme des comètes.
– L’astigmatisme: Les points lumineux sont déformés en lignes. Dans le télescope, il peut être provoqué par des irrégularités de surfaces sur les lentilles ou les miroirs, par des contraintes mécaniques ou thermiques. ou par un désalignement optique.
– La courbure de champ: La surface focale n’est pas forcément plane alors que la plupart des détecteurs (CCD…) se situent sur un plan. Seule l’intersection entre la surface image et le plan des détecteurs est nette.
– La distorsion: Elle se manifeste par une déformation de l’image dans laquelle les lignes droites apparaissent courbées.
– Le chromatisme: Les différentes couleurs de la lumière ne sont pas focalisées au même point.
Les aberrations optiques sont corrigées par l’utilisation de combinaisons de miroirs et de lentilles, ainsi que par des traitements de surface spécifiques. Les télescopes modernes sont généralement équipés de systèmes de correction active qui permettent de compenser les déformations des miroirs dues aux variations de température.
- Transmission: C’est la proportion de lumière incidente qui parvient au capteur. Elle dépend des matériaux utilisés pour les optiques et des traitements antireflets. Une transmission élevée est essentielle pour observer les objets faibles. La transmission d’un télescope peut atteindre 90% ou plus dans le visible. Pour les longueurs d’onde infrarouges, des traitements spécifiques sont nécessaires pour réduire l’absorption par les matériaux.
- Stabilité mécanique: Les vibrations mécaniques peuvent dégrader la qualité des images. Une monture solide et un système de pointage précis sont indispensables.
- Qualité de surface des optiques: Les défauts de surface des miroirs et des lentilles (rayures, bosses) diffusent la lumière et réduisent le contraste des images.
La tache d’Airy
La tache d’Airy est une figure de diffraction de Fresnel qui se forme lorsque la lumière d’une source ponctuelle traverse une ouverture circulaire (comme l’objectif d’un télescope). Elle se manifeste sous la forme d’un disque central lumineux entouré d’anneaux concentriques de luminosité décroissante.
Attention, la tache d’Airy n’est pas une aberration optique, c’est à dire inhérente à la conception ou à la fabrication d’un système optique. Elle représente la meilleure image possible d’un point source par un système optique parfait, c’est-à-dire un système non affecté par les aberrations.
Importance pour la résolution: La taille de la tache d’Airy est directement liée au pouvoir de résolution d’un instrument optique. Plus la tache est petite, plus on peut distinguer deux points lumineux proches.
Limite de diffraction: La tache d’Airy définit la limite fondamentale de résolution d’un instrument optique parfait, c’est-à-dire non limité par des aberrations.
Facteurs influençant la taille de la tache d’Airy
Deux dimensions majeures influencent sa taille :
- Le diamètre de l’objectif: Plus le diamètre est grand, plus la tache d’Airy est petite et meilleure est la résolution. C’est notamment pourquoi les grands télescopes professionnels offrent des images plus détaillées.
- La longueur d’onde de la lumière: La taille de la tache d’Airy est proportionnelle à la longueur d’onde. Ainsi, les observations dans le bleu (courtes longueurs d’onde) offrent une meilleure résolution que celles dans le rouge (longueurs d’onde plus longues).
Implications pour l’observation astronomique
Ce phénomène optique impacte l’observation astronomique dans plusieurs domaines, notamment :
- La résolution des étoiles doubles: La tache d’Airy permet de déterminer si une étoile double est résolvable, c’est-à-dire si les deux composantes sont visibles séparément.
- L’observation des planètes: La taille de la tache d’Airy limite la finesse des détails observables à la surface des planètes.
- L’astrophotographie: La qualité des images obtenues en astrophotographie est impactée par la tache d’Airy, notamment en termes de netteté et de contraste.
Quelques techniques utilisées
La spectrographie
La spectrographie est une technique fondamentale en astronomie qui consiste à décomposer la lumière en ses différentes couleurs, ou longueurs d’onde. C’est un peu comme si l’on prenait un prisme pour décomposer la lumière blanche du Soleil en un arc-en-ciel. En analysant ce spectre lumineux, les astronomes peuvent déduire une multitude d’informations sur les objets célestes qu’ils observent.
Principes de la spectroscopie
Spectre de l’étoile Véga – © Observatoire Astronomique de Marseille-LAM
Les principes :
La lumière que nous recevons des étoiles et des galaxies n’est pas simplement de la lumière blanche. Elle contient des informations sur l’objet qui l’émet : sa composition chimique, sa température, sa vitesse et de nombreux autres paramètres physiques.
Lorsque cette lumière traverse un prisme ou un réseau de diffraction, elle est dispersée en un spectre, c’est-à-dire une répartition de l’intensité lumineuse en fonction de la longueur d’onde (voir également la page « La lumière« ). Ce spectre n’est pas continu : il est traversé par des raies noires ou brillantes, appelées raies spectrales qui caractérisent l’objet émetteur.
Que révèlent les raies spectrales ?
- La composition chimique: Chaque élément chimique possède un spectre caractéristique, avec des raies d’absorption ou d’émission à des longueurs d’onde bien précises. En comparant le spectre d’une étoile avec un catalogue de raies spectrales connues, les astronomes peuvent déterminer la composition chimique de l’étoile.
- La température: La forme du spectre continu permet de déterminer la température de l’objet céleste. Les étoiles chaudes émettent plus de lumière dans le bleu, tandis que les étoiles froides émettent plus de lumière dans le rouge.
- La vitesse: L’effet Doppler, qui entraîne un décalage des raies spectrales vers le rouge ou le bleu en fonction de la vitesse de l’objet, permet de mesurer la vitesse radiale des étoiles et des galaxies.
- Le champ magnétique: Les raies spectrales peuvent être divisées en plusieurs composantes sous l’effet d’un champ magnétique, ce qui permet de mesurer l’intensité de ce champ.
- La pression et la densité: L’élargissement des raies spectrales peut fournir des informations sur la pression et la densité du milieu dans lequel elles se sont formées.
Applications de la spectrographie en astronomie :
La spectrographie est un outil indispensable pour de nombreux domaines de l’astronomie :
- L’étude des étoiles: Détermination de leur âge, de leur masse, de leur composition chimique, de leur vitesse, etc.
- L’étude des galaxies: Mesure de la distance des galaxies, étude de leur formation et de leur évolution, recherche de matière noire.
- L’étude des exoplanètes: Détection d’exoplanètes par la méthode des vitesses radiales, analyse de leur atmosphère.
- La cosmologie: Étude de la composition de l’Univers, mesure de son expansion.
L’interférométrie
L’interférométrie est une technique qui consiste à combiner la lumière provenant de plusieurs télescopes pour obtenir une résolution angulaire bien supérieure à celle d’un télescope unique. Cela permet de distinguer des détails plus fins sur les objets célestes, comme si l’on utilisait un télescope beaucoup plus grand.
Les principes :
Plusieurs télescopes collectent la lumière provenant d’un même objet céleste. Les faisceaux lumineux de chaque télescope sont combinés dans un système d’interférométrie, où ils « interfèrent » les uns avec les autres. L’analogie avec les ondes à la surface de l’eau est souvent utilisée pour illustrer ce principe : si l’on lâche deux cailloux dans une mare, les ondes qu’ils produisent vont interférer entre elles, créant des zones où les vagues s’annulent et d’autres où elles s’amplifient. C’est le même principe qui s’applique à la lumière.
En analysant les franges d’interférence produites, les astronomes peuvent reconstituer une image de l’objet céleste avec une résolution très élevée.
La coronographie
La coronographie est une technique spécifique d’imagerie utilisée en astronomie pour observer des objets célestes de faible luminosité, tels que les exoplanètes, qui sont très proches d’une étoile brillante.
Elle est basée sur un masque opaque qui bloque la lumière de l’étoile centrale. Il existe différents types de coronographes :
- Les coronographes de Lyot: Le masque opaque est placé dans le plan focal du télescope, créant une zone d’ombre où la lumière de l’étoile est bloquée.
- Les coronographes à phase induite: Le masque opaque est remplacé par un « élément de phase » qui modifie la phase de la lumière diffractée par l’étoile, réduisant ainsi sa brillance dans la région où l’on cherche la planète.
Cet élément de phase est généralement un masque transparent comportant des motifs microstructurés qui induisent des retards de phase précis sur la lumière incidente. Ces retards de phase sont conçus pour éliminer les ondes lumineuses provenant de l’étoile dans une région spécifique de l’image focale, tout en laissant passer la lumière provenant de la planète.
Ψ Pour aller plus loin…
- « Optique » de Eugene Hecht: Un classique du genre sur les principes physiques fondamentaux applicables aux télescopes.