Les instruments d’exploration
Extremely Large Telescope (ELT) – © ESO
Observer le ciel
Comme nous l’avons vu dans la page « Brève histoire de l’astrophysique« , l’homme scrute le ciel depuis la nuit des temps. Les besoins de connaitre et comprendre le monde qui l’entoure étaient bien entendu sous-jacents. Mais cette nécessité pouvait également recouvrir à la fois des aspects religieux (le ciel comme manifestation des dieux), économiques/politiques (par exemple pour la prédiction des récoltes ou d’évènements à venir) ou technique (par exemple pour la localisation dans le temps et dans l’espace).
Quelques instruments d’exploration / d’observation développés en regard de ces nécessités sont introduits ci-dessous.
Un focus particulier est fait dans les pages suivantes sur les télescopes terrestres et les programmes spatiaux (télescopes spatiaux, sondes spatiales, missions habitées).
Les instruments d’exploration au cours des âges
Le cadran solaire
Le cadran solaire est certainement l’un des instruments les plus anciens et les plus simples pour mesurer le temps solaire local (et non le temps légal).
Cet outil est basé sur la variation de l’ombre portée du soleil au cours de la journée sur un support qui peut être de différentes formes (plat, sphérique, conique…).
Des premiers cadrans très rudimentaires étaient utilisés dès l’Egypte ancienne. Perfectionnés par la Grèce Antique, ils arrivent en Europe au VIIe siècle.
Les cadrans solaires les plus communément utilisés aujourd’hui sont constitués d’une surface plane (horizontale ou verticale) sur laquelle se projette l’ombre d’une pointe appelée « style ». Ce type de cadran a été développé par la civilisation arabe au XIIIe siècle.
L’astrolabe
Cet instrument permettait d’estimer la « hauteur » (angle de site) du soleil et autres astres, et d’en déduire l’heure d’observation.
Il était utilisé à la fois pour l’astronomie, la religion, l’astrologie et la topographie.
Sa conception date de la Grèce Antique (IVe siècle av. J.C.). Il a été perfectionné par la civilisation arabo-islamique qui l’a introduit en Occident à partir du Xe siècle. Pendant le Moyen-Âge et la Renaissance son utilisation en astronomie a été considérablement accru. Mais son usage a décliné à partir du XVIIe siècle au profit du développement de la lunette astronomique et des horloges mécaniques.
Le sextant
Le sextant a été développé fin du XVIIe siècle en Angleterre.
Plus simple d’utilisation que l’astrolabe, il permet également d’effectuer des mesures angulaires, donc de localisation.
Bien qu’il puisse aussi être utilisé à terre ou dans les airs, c’est un instrument particulièrement précieux pour la navigation maritime. En haute mer, les marins l’utilisent pour établir leur latitude en mesurant l’angle entre l’horizon et le soleil à midi. En navigation côtière, il permet de calculer la distance à la côte en mesurant l’angle entre deux amers (points remarquables sur la côte).
Mais cet instrument mécanique est aujourd’hui de plus en plus remplacé par la localisation par satellites (GPS, Galiléo…), beaucoup plus précise et disponible en temps réel sur la quasi-totalité du globe.
La lunette de Galilée
En 1608, l’opticien hollandais Hans Lippershey a mis au point une « lunette d’approche », principalement utilisée par les marins et les naturalistes. Le mathématicien/astronome Galilée a perfectionné cet instrument en 1609, dans le but d’observer les étoiles. Il y a ajouté deux lentilles, l’une concave et l’autre convexe, aux extrémités d’un tube de plomb de 30mm de diamètre. La lunette permettait alors un grossissement de 20 à 30 fois.
Grace à cette lunette, Galilée a révolutionné l’astronomie qui est devenue une science à part entière. Il a ainsi pu défendre l’hypothèse héliocentrique pronée par Copernic. Cet instrument lui a également permis de découvrir les cratères de la Lune, les anneaux de Saturne ou encore les quatre satellites de Jupiter (Callisto, Europe, Ganymède et Io).
Le planétaire
Les premiers planétaires ont été réalisés en Angleterre au XVIIIe siècle. Ils avaient alors une vocation didactique, permettant de montrer au grand public le mouvement de révolution des planètes autour du soleil.
Cet instrument est en effet un mécanisme figurant le système solaire, les orbites des planètes étant actionnées manuellement ou par un système d’horlogerie.
Les plus perfectionnés peuvent également montrer la rotation des planètes sur elles-mêmes ainsi que les orbites de leurs satellites naturels, comme pour le système Terre-Lune.
Les télescopes terrestres
Telescope GTC (Gran Telescopio Canarias) – © Daniel Lopez
Plateforme VLT (Very Large Telescope) – © ESO
Radiotélescope FAST (Five-hundrded-meter Aperture Spherical Radio Telescope) – Chine
Futur télescope E-ELT (European Extremly Large Telescope) – © ESO
Depuis l’invention de la lunette astronomique de Galilée (cf plus haut), les « télescopes » ont considérablement évolué.
Leur fonction est de capter et caractériser la lumière (les photons) venue des plus lointaines distances du cosmos. Leur performance est donc essentiellement liée à leur capacité :
– à maximiser la quantité de photons / d’énergie reçue,
– à localiser précisément les sources d’émission, en s’affranchissant notamment des différentes perturbations subies par les rayons lumineux au cours de leur trajet.
Pour maximiser l’énergie électromagnétique reçue, la taille du télescope, son « ouverture », est un élément primordial. Sur ce plan les télescopes terrestres ont un avantage certain.
A titre d’exemple, le plus grand télescope optique terrestre est à ce jour le GTC (Gran Telescopio Canarias) installé par l’Institut Astrophysique des Canaries sur l’île de la Plama. Il possède un instrument de 10,4m de diamètre.
Autre exemple, le télescope européen VLT (Very Large Telescope), installé par l’ESO (European Southern Observatory) dans le désert d’Atacama au Chili, est composé notamment de quatre « télescopes principaux » ayant des miroirs primaires de 8,2m de diamètre. Ces télescopes peuvent par ailleurs être combinés pour accroitre la précision d’un facteur 25.
A noter que la taille des télescopes est également contrainte par la longueur d’onde des photons ciblés.
Par exemple certains, appelés télescopes optiques, se concentrent sur la lumière visible (celle de l’arc-en-ciel) ou proche du visible (infrarouge, ultraviolet). Et d’autres permettent d’explorer d’autres fréquences porteuses d’informations précieuses pour la compréhension de l’univers. C’est notamment le cas des radiotélescopes qui s’intéressent aux ondes radio dont les grandes longueurs d’onde nécessitent des instruments de très grande taille. Le plus grand d’entre eux est le FAST (Five-hundred-meter Aperture Spherical Radio Telescope) construit en Chine et qui possède un réflecteur de 500m de diamètre.
Dans les toutes prochaines années, de nouveaux télescopes terrestres, encore plus performants, seront mis en service. Par exemple, le télescope E-ELT (European Extremly Large Telescope) est en cours de construction par l’ESO (European Southern Observatory) au sommet du Cerro Armazones au nord du Chili. Avec son miroir de 39m, il sera opérationnel en 2027.
Les télescopes spatiaux
Télescope spatial HST (Hubble Space Telescope) – © NASA
Télescope spatial JWST (James Webb Space Telescope) – © NASA
Télescope spatial Planck – © ESA
Télescope spatial Gaïa – © ESA
Télescope spatial Euclid – © ESA
Futur télescope spatial NGRST (Nancy Grace Roman Space Telescope) – © NASA
Les télescopes terrestres, bien que permettant d’obtenir de bonnes performances grâce à leurs tailles importantes, ont un inconvénient majeur. En effet l’atmosphère est un élément perturbateur important des trajets lumineux, affectant ainsi la qualité des images. Les télescopes spatiaux comme le HST (Hubble Space Telescope, NASA) et plus récemment le JWST (James Webb Space TelescopeNASA) ou encore Euclid, lancé en 2023 par l’ESA (European Space Agency) et dédié à l’analyse de la matière noire et de l’énergie sombre, permettent de s’en affranchir totalement.
Ces télescopes évoluant dans un environnement beaucoup plus contraignant que sur Terre sont d’une grande complexité. Leur coût supérieur conduit généralement à des coopérations internationales permettant l’exploitation des données par de nombreuses équipes internationales. Ainsi le HST a fait l’objet d’une coopération étroite entre la NASA et l’ESA. Il en est de même pour le JWST entre la NASA, l’ESA et l’ASC (Agence Spatiale Canadienne).
Mais au-delà des « télescopes » proprement dits, en fonction de leur mission scientifique certains de ces satellites peuvent emporter des instruments spécifiques. C’est par exemple le cas pour deux satellites de l’ESA : Planck, lancé en 2009, qui délivra une carte détaillée du fond diffus cosmologique (CMB), ou Gaïa, lancé en 2013 et toujours opérationnel, et dont le but est de mesurer la position, la distance et le mouvement des étoiles de notre galaxie.
Plusieurs autres projets de télescopes spatiaux sont à l’étude. Par exemple le futur télescope spatial de la NASA, dont le lancement est prévu en 2027, est le NGRST (Nancy Grace Roman Space Telescope). Ce télescope optique s’intéressera principalement à l’énergie sombre et aux exoplanètes (voir également la page « Les galaxies« ).
Les sondes spatiales
Sonde spatiale Voyager 2 – © NASA
Sonde spatiale Rosetta – © ESA
Sonde spatiale Chang’e 4 – Chine
Rover Perseverance – © NASA
Mission Mars Sample Return – © NASA-ESA
Les télescopes permettent d’observer notre univers à partir de la Terre ou d’une orbite « proche » d’elle. Mais dès la naissance de la conquête spatiale, à la fin des années 50, l’homme a voulu envoyer des objets « sur place » pour explorer de plus près l’espace qui nous entoure, essentiellement notre système solaire à ce jour.
Les premières sondes lancées avec succès l’ont été par les Etats-Unis et l’Union Soviétique, alors en pleine « guerre froide ». Il s’agissait de Pioneer (1958, USA) dont l’objectif était l’analyse de l’espace interplanétaire et Luna 3 (1959, URSS) qui s’est mise en orbite lunaire.
La « compétition » vers l’espace que se livraient les deux puissances rivales a ensuite nourri de nombreuses missions, et ainsi considérablement accru la connaissance scientifique sur notre système solaire.
Plusieurs types de sondes ont été et sont utilisés:
– des sondes de survol se contentant d’approcher un objet céleste pour l’analyser au plus près, sans toutefois se mettre en orbite ou se poser sur celui-ci. Il s’agit par exemple de Mariner 2 et 4 (USA) qui ont respectivement survolé Vénus et Mars en 1962 et 1964, ou Voyager 1 et 2 (USA), lancées en 1977, qui ont survolé Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune (Voyager 2) et sont toujours opérationnelles ! Notons également Giotto, lancée par l’Europe en 1985, première sonde à survoler une comète (Halley) en 1992.
– des orbiteurs se mettant en orbite autour d’une planète ou de l’un de ses satellites. Dans cette catégorie, nous pouvons citer Messenger la première sonde (USA) à orbiter autour de Mercure en 2011 (lancement en 2004) et Chandrayaan 1 la première sonde indienne autour de la Lune en 2008. La sonde américaine New Horizons, lancée en 2006 a survolé Pluton et ses satellites en 2015. Nous pouvons également retenir les sondes européennes Mars Express (2003), autour de la planète rouge, et Rosetta (2004), première sonde à se mettre en orbite autour d’une comète (Tchourioumov-Guerassimenko) en 2014, avant de se poser sur celle-ci. Juice, autre sonde européenne, a été lancée en 2023 et poursuit sa route vers Jupiter et ses satellites Callisto, Europe et Ganymède. Bepi-Colombo, lancée par l’Europe et le Japon en 2018, devrait atteindre Mercure en 2025.
– des atterrisseurs se posant sur un corps céleste. On peut par exemple citer Luna 9 et Mars 3 (URSS) qui ont été les premières à se poser respectivement sur la Lune en 1966 et sur Mars en 1971. La sonde chinoise Chang’e 4 a été la première sonde à se poser sur la face cachée de la Lune, avec son rover, en 2018. L’atterrisseur américain Insight s’est posé sur Mars en 2018 et a analysé la structure interne de la planète jusqu’en 2022.
– des rovers, « véhicules » pouvant se déplacer sur un corps céleste. Notons dans cette catégorie Luna 17 (URSS) premier rover sur la Lune en 1970, et Spirit (USA), premier rover autonome sur Mars en 2003. Le rover américain Perseverance associé à un petit hélicoptère Ingenuity s’est posé sur Mars en 2021 pour en extraire des échantillons qui seront récupérés par la future mission Mars Sample Return.
– des sondes de retour d’échantillons permettant de ramener sur Terre des éléments prélevés sur le corps céleste. Luna 16 (1970, URSS) a été la première sonde de ce type en rapportant des échantillons lunaires. Hayabusa 1 et Hayabusa 2 (Japon) ont été les premières à ramener des échantillons d’un astéroïde, respectivement Itokawa et Ryugu, en 2010 et 2020 (lancements en 2003 et 2014). La mission américaine Mars Sample Return, en collaboration avec l’Europe, devrait ramener les échantillons marsiens collectés par Perseverance, à l’horizon 2033 (lancements du module Earth Return Orbiter et de l’atterrisseur Sample Retrieval Lander prévus en 2027 et 2028).
Les programmes habités vers la Lune et Mars
Le programme Apollo, dans les années 60 et 70, a marqué l’histoire de l’exploration spatiale en envoyant des humains sur la Lune. Contrairement aux sondes spatiales qui effectuent des missions automatisées, ces programmes ont permis une exploration directe et interactive de notre satellite naturel, offrant ainsi une dimension unique à la recherche scientifique et à la compréhension de notre système solaire. Le programme Artemis en cours de déploiement vers la Lune doit être vu non seulement comme le prolongement d’Apollo, mais également comme le précurseur au futur programme habité vers Mars en cours d’élaboration.